LA REDACTION D’UN CONTRAT SOUS SEING PRIVE : POSTURES DE BASE
www.jurantiel.com, par OMBOLO MENOGA Pierre Emmanuel
SOMMAIRE
INTRODUCTION
I. LES PREDISPOSITIONS DE REDACTEUR D’UN CONTRAT
A. Disposer de compétences techniques
1. Les compétences juridiques
2. Les connaissances générales
B. Maîtriser les processus contractuels
1. La phase de préparation à la contractualisation
2. La phase de formalisation de la relation contractuelle
II. L’ELABORATION DU CONTRAT DU CONTRAT PROPREMENT DIT
A- Recueillir les informations nécessaires à la rédaction du contrat
1. L’interview des contractants
2. La connexion à l’environnement correspondant au contrat
B- Rédiger finalement le contrat
1. Le maniement des clauses
2. Vérifier l’harmonie du texte
INTRODUCTION
Le contrat est défini à l’article 1101 du code civil comme : « une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose ». Ainsi le contrat se reconnait-il dans une catégorie plus large, les conventions, cette expression qui désigne des « accords de volonté générateurs d’effets de droit ». Le contrat, pour le juriste, représente le modèle achevé de ce qu’il dénomme “acte juridique”, acte de volonté d’un sujet de droit par opposition au “fait juridique” dans lequel la production d’effets de droit en général et d’obligations en particulier exclut en principe tout manifestation expresse et préalable de la volonté d’un sujet de droit ou le représentant de celui-ci. Le contrat est, dans sa conception classique, perçu comme « un accord de volontés générateur de droit (s) et d’obligation (s) entre les parties qui le concluent ». Il doit être distingué des actes juridiques unilatéraux qui sont des « actes qui sont l’œuvre d’une volonté unique, tels que le testament ou la reconnaissance d’enfant » destinés à la production d’effets juridiques sur la tête d’une personne qui n’y a pas exprimé son consentement. Le contrat est une catégorie juridique distincte des droits réels qu’il peut contenir ou modifier, pour s’autonomiser parmi les droits personnels ou droits de créance. Il n’établit pas la relation de personne à chose, directement ce qui est l’apanage des droits réels. S’il peut concerner les choses ou plutôt les biens, c’est par l’intermédiaire d’un sujet de droit qui lui fait écran. Malgré ce que l’on peut qualifier comme étant « l’extraordinaire diversité du phénomène contractuel », il est possible de souligner avec le professeur Jean-Luc AUBERT l’unité de la notion de contrat au gré de la mise en lumière de trois constantes :
- Le contrat est « un instrument de création et de circulation de richesses entre les personnes » ;
- C’est aussi une technique en vue de la production d’obligation : il donne nécessairement naissance à des obligations réciproques ;
- C’est enfin un accord de volontés, lequel résulte d’un consentement réciproque des parties contractantes.
Selon une doctrine particulièrement savante et autorisée, le contrat a trois fonctions essentielles :
- Préciser la conduite des parties ;
- Leur offrir une sécurité juridique. Dans ce cas, il est à la fois exigence et transparence de la confiance légitime entre les parties ;
- En préconstituer la preuve. (N’est-il pas banal d’ajouter que l’article 1137 du code civil en a fait l’une des sources du droit ?)
Ce produit du consentement mutuel est difficile à étudier lorsque nous demeurons sur le terrain du « solo consensus obligat ». Le philosophe domine alors le juridique, du moins, le juriste doit-il être convaincu de philosophie pour tenter d’expliquer cette part du phénomène contractuel, phénomène juridique le plus quotidiennement mis en œuvre à notre insu, très souvent, comme l’air que nous respirons, comme ce cœur qui pompe le sang dans notre organisme. Il n’est pas évident de rendre compte de ce que le côté naturel a de mécanique car, dira-t-on, cela va de soi ! C’est lorsqu’on veut expliquer que tout se complique. Or, si l’on envisage le contrat au-delà du consensualisme, il est évident qu’il entame sa sortie de l’intimité des sujets de droit. Il devient un instrument juridique plus malléable. On reconnait alors le juriste positivisme avec le formalisme qui annonce son arrivée plusieurs kilomètres avant.
C’est sous cet angle formaliste que nous présenterons le contrat. Au-delà du « solo consensus », nous irons lorgner dans le « ad validitatem » ou dans le « ad probationem ».
Dans cet ordre d’idées, le contrat ne vaut quelque chose aux yeux du droit que lorsqu’une formalité est accomplie pour emporter sa validité ou pour servir de preuve. Ce sont à la fois l’écriture privée et l’écriture publique ou authentique qui nous préoccupe. Mais, n’étant pas officier ministériel, nous ne pouvons pas parler de ce qui n’est pas de notre domaine de compétence. Il nous reste donc le contrat comme instrument de preuve. C’est l’écriture privée contractuelle. C’est l’acte sous seing privé. D’où il est possible de se demander quelles sont les démarches nécessaires en vue de la rédaction d’un contrat ? Il s’agit toujours d’un savoir-faire accessible à tous. Il suffira donc de distinguer ce qu’il faut savoir (I) de ce qu’il faut faire (II) pour rédiger un contrat.
- LES PREDISPOSITIONS AU REDACTEUR DU CONTRAT
Nous envisageons ici le savoir qui doit être à la portée immédiate du rédacteur du contrat. Celui-ci doit disposer de compétences techniques (A) et maîtriser le processus contractuel (B).
- DISPOSER DE COMPÉTENCES TECHNIQUES
Comme a pu l’écrire le professeur Claude CHAMPAUD : « à moins de persévérer dans une conception purement normative, immanente et quasi biblique du droit, on doit tenir la règle juridique pour la résultante des forces économiques, sociales, politiques et culturelles qui s’exercent dans la société, a un moment donné ». C’est dire que les compétences techniques dont nous parlons associent des connaissances générales (2) et des compétences juridiques (1).
- Les compétences juridiques
La rédaction du contrat est observée sous l’angle formaliste dont positive. Au gré de cette observation, l’on conviendra que le rédacteur du contrat doit maîtriser le droit. C’est un juriste ou au moins une personne qui a une culture juridique. Il est possible à cet égard d’appliquer dans son sens le plus populaire la maxime : « nemo cesentur ignorare legem ». L’on dira que le rédacteur du contrat doit connaître les sources du droit :
- La loi dans son sens général ;
- La jurisprudence ;
- Les conventions collections et accords d’établissement en matière sociale ;
- Les actes uniformes OHADA en matière de droit des affaires ;
- Les règles relatives à l’arbitrage ;
- Les règles ou dispositions d’ordre public contenues dans diverses lois nationales et conventions internationales ;
- Les décrets et arrêtés qui souvent précisent qu’elle doit être la conduite des parties ;
- Les mercuriales ;
- Les contrats de droit public ou de droit privé, les contrats internationaux, etc.
En bref, le rédacteur qui a la prédisposition d’un juriste positiviste doit connaître le complexe de normes aptes à préciser la conduite des parties. En matière contractuelle particulièrement, il doit souvent, s’il s’agit de contrats innommés, intégrer dans son esprit les dispositions pertinentes découlant de l’article 6 du code civil d’après lesquelles : « on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs ». On sait que l’ordre public est « l’ensemble des règles que les autorités publiques (législateur, autorités administratives, juges, voire organisation internationales) estiment indispensables pour sauvegarder la stabilité et les valeurs de la société ».
C’est aussi un ensemble de « conceptions fondamentales de la vie commune au sein d’une société ». Quant aux bonnes mœurs, elles apparaissent comme étant « des habitudes et pratiques morales généralement admises par un groupe ou une société ». Il peut aussi s’agir, en tant que norme juridique cadre des « règles qui, dans une société donnée, régissent les habitudes de vie et notamment le commerce sexuel ». Le juriste convaincu ou celui que se revendique une telle conviction perdrait-il de vue les dispositions découlant de l’article 1325 du code civil d’après lesquelles : « Les actes sous seing privé qui contiennent des conventions synallagmatiques, ne sont valables qu’autant qu’ils ont été faits en autant d’originaux qu’il y a de parties ayant un intérêt distinct. Il suffit d’un original pour toutes les parties ayant le même intérêt. Chaque original doit contenir la mention du nombre des originaux qui en ont été faits. Néanmoins le défaut de mention que les originaux ont été faits doubles, triples, etc. ne peut être opposé par celui qui a exécuté de sa part la convention portée dans l’acte ».
Le rédacteur du contrat doit aussi connaître les règles particulières aux contrats nommés ou celles relatives aux transactions commerciales. Ne serait-il pas osé de sa part d’oublier les quatre conditions essentielles pour la validité d’un contrat :
- Le consentement de la partie qui s’oblige ;
- Sa capacité de contracter ;
- Un objet certain qui forme la matière de l’engagement ;
- Une cause licite dans l’obligation.
Le rédacteur d’un contrat n’est pas seulement orfèvre du droit. C’est aussi un homme ou une femme dont la culture est débordante. Claude CHAMPAUD n’a-t-il pas observé qu’« intrinsèquement, le droit n’est pas une science, c’est un art. (…) Le juriste qui ne sait que du droit ne connaît pas le droit » ?
2. Les connaissances générales
Il est bon que la plasticité du raisonnement du rédacteur du contrat soit luminescente. Il doit multiplier ses pistes d’investigation. La modularité de ses connaissances démontre un homme cultivé et non un individu claquemuré par un univers faussement clos. Il doit étendre ses capacités cognitives. C’est un homme intelligent. La définition que nous retenons de l’intelligence est celle de Howard GARDNER. C’est la capacité ou « la faculté de résoudre des problèmes ou de produire des biens qui ont de la valeur dans une ou plusieurs cultures ou collectivités ». On reconnait là la nécessité de distinguer l’intellectuel du diplômé, même si les deux font preuve d’intelligence chacun en ce qui le concerne et à sa manière. C’est aussi le lieu de questionner la monodisciplinarité ou alors la pluridisciplinarité entendue comme l’hétérogénéité des connaissances.
C’est qu’à notre avis, la structure de l’enseignement supérieur ne devrait pas construire une forme entre le domaine du savoir. Du moins, au constat de la monodisciplinarité institutionnelle, le juriste doit se mettre dans les rails d’une bénéfique pluridisciplinarité individuelle en décloisonnant les branches du savoir. Il faut véritablement avoir des connaissances en diverses choses à travers des lectures, des informations obtenues à la télévision, à la radio, sur l’internet ou à travers des discussions. Il y a plus de trente ans, un juriste écrivait déjà que : « Le droit est une science dont le fondement est puisé dans la réalité ». Un peu plus près, un autre disait que : « La science du droit, c’est l’observation impartiale et rigoureuse de toutes les caractéristiques de la société, observation indispensable à la préparation d’un droit de qualité, conforme aux besoins des hommes et à leurs aspirations » ; « un bon droit, le droit conforme à la nature humaine ».
Notre opinion est que le droit est un grand village organisé en cantons. Ou alors un archipel dont le juriste doit connaître toutes les îles et pourquoi elles se sont disloquées. C’est par lui que la réunification se produit, en matière contractuelle comme en toute autre. Pour le juriste, le droit est un tout, (un bloc) dont il recherche sans cesse la cohérence. Il utilise le ciment, le plâtre, la colle là où il y a eu usage de poinçon. Les faits sont nombreux, il doit les connaître et les adapter au droit. Il fera mieux s’il a la possession du processuel contractuel.
B. MAÎTRISER LE PROCESSUS CONTRACTUEL
Pour rédiger un contrat avec plus ou moins de l’assurance, du succès et la garantie des droits des parties, il faut bien se mettre à l’esprit qu’il est une « suite séquentielle d’étapes distinctes ». Ce titre, le rédacteur du contrat séparera la phase de préparation à la contractualisation (1) de la phase de la formalisation de la relation contractuelle (2).
- La phase de préparation à la contractualisation
On sait que c’est à la faveur de la prise en compte de la ponctuation ou punctation qu’il y a eu lieu d’intégrer une vision dynamique et non brusque du processus contractuel.
La punctation est une « théorie allemande selon laquelle le contrat se forme par degrés (point par point), par étapes successives du fait de la réalisation d’écrits successifs arrêtant les points sur lesquels les parties sont parvenues à un accord ».
Cette théorie qui a tous les atouts d’un réalisme n’élude pas la durée dans la formation du contrat. Elle permet aussi de distinguer négociation et conclusion des contrats. Plusieurs notions connues du juriste peuvent être convoquées pour l’étayer : les pourparlers, le pacte de préférence, l’avant-contrat, le sous-contrat et les promesses unilatérales ou synallagmatiques. En ce qui concerne les pourparlers, ils ont pour équivalent la négociation. C’est une « phase précontractuelle durant laquelle les contrats négocient les clauses et modalités du contrat ». Quant au pacte de préférence, il apparaît comme étant « la convention par laquelle le propriétaire d’un bien, pour le cas où il le vendrait, le réserve au bénéficiaire de la clause, de préférence à toute autre personne, pour un prix déterminé ou déterminable ».
C’est aussi la convention par laquelle une personne s’engage, pour le cas où elle se déciderait à exécuter la prestation, à ne pas conclure avec une autre personne que celle à qui elle a fait l’offre initiale. Cette notion est remarquablement connue en droit d’auteur. Par exemple, l’article 48 de la loi N° 2000/011 du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dispose que : « Le titulaire du droit d’auteur peut accorder à un éditeur un droit de préférence pour l’édition de ses œuvres futures, à condition qu’elles soient relatives à un genre déterminé. Ce droit est toutefois limité pour chaque genre à cinq ouvrages nouveaux ».
Hormis la licéité de ce pacte qui est reconnue, il est possible de noter qu’il prépare à une relation contractuelle qu’il transcende pour envisager le futur, une période post-contractuelle qui englobe déjà une réservation de prestations.
C’est un instrument de gestion du processus contractuel, une gestion dans le temps dans la mesure où elle se situe avant un contrat et se projette dans l’après contrat. Le pacte dont s’agit se confond, à notre avis, à tort avec l’avant-contrat. Par cette expression, il faut entendre tout « Accord de volontés par lequel des personnes s’engagent à conclure un contrat définitif, et qui a pour but de régler les difficultés relatives à la conclusion de ce contrat ». Le pacte de préférence n’est non plus un sous-contrat, c’est-à-dire un « contrat calqué et greffé sur un contrat principal portant sur tout ou partie de l’objet de ce dernier et conclu par l’une des parties et un tiers ». Les illustrations du sous-contrat sont nombreuses : sous-traitance, sous-location, etc.
Par contre, l’on peut rapprocher de l’avant-contrat la promesse synallagmatique voire la promesse unilatérale. En matière contractuelle, la promesse s’analyse souvent comme une assurance que donne une personne à une autre de contracter. Lorsque la promesse résulte d’une seule personne, bien qu’étant unilatérale, elle se démarque de l’offre en ce qu’elle n’est plus une manifestation unilatérale de volonté. C’est un accord de volontés donc un contrat, un contrat unilatéral qui est destiné à préparer un contrat synallagmatique. Lorsqu’une telle assurance est réciproque, on lorgne les fiançailles pour rendre compte de la promesse synallagmatique. C’est une figure des avant-contrats, une étape dans la formalisation du processus contractuel.
2. La phase de formalisation de la relation contractuelle
Nous avons exclu les contrats consensuels de notre analyse pour ne prendre en compte que les contrats solennels et particulièrement les actes sous seing privé. Cela dit, après avoir rédigé le contrat dans la ou les langue (s) des parties, il est souvent important de tenir compte d’un certain nombre de paramètres :
- Ampliation : Elle répond à la question : qui doit connaître le contrat et comment ?
- Diffusion du contrat : Dans ce cas, il faut dire que pour des contrats d’une utilité générale, il est utile de constituer un dossier de presse qui rassemble les informations les plus pertinentes, ce dans le sens de son accessibilité (environnement du contrat, objet du contrat, durée, ce qui est attendu, les acteurs impliqués, argumentaire justifiant pourquoi le contrat a été passé, etc.) ;
- Consultation du contrat : Où peut-on accéder à un exemplaire du contrat ? Qui ? Quand ? Comment ?
- L’enregistrement du contrat : L’on conçoit dans cette logique qu’il ne s’agit pas d’un document secret accessible aux tiers seulement en cas de litige. On peut donc le soumettre à l’administration fiscale (timbre, droit d’enregistrement) en vue de son opposabilité erga ommes.
- Date du contrat : On sait que la date du contrat correspond au jour et au mois d’une année où il y a eu rencontre de l’offre et de l’acceptation. Quatre théories se succèdent en droit français pour donner son contenu : la théorie de l’émission, la théorie de la réception et la théorie de l’information.
- Les modalités de prise d’effet : C’est la clause de prise d’effet. On peut prévoir que le contrat prendra effet à compter de la signature, de son approbation par les instances compétentes, du paiement d’une somme d’argent ou alors de l’accomplissement d’une formalité ou d’une prestation particulière.
- La mention “lu et approuvé” : Les tribunaux ne lui accordent aucune valeur.
- La signature : Elle est définie comme un « paraphe manuscrit ou, lorsqu’elle est électronique, usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache ».
La jurisprudence, depuis plus d’un demi-siècle a décidé de la validité d’un écrit non daté mais signé ultérieurement décédé, relatant la vente d’une maison et donnant quittance du prix.
La portée de la signature de l’acte sous seing privé transparait dans l’article 1325 du code civil. Elle est sous-entendue dans cet article. La signature concrétise la manifestation de volonté et l’approbation du contenu de l’acte par celui qui l’appose, en principe le contractant ou son représentant dûment agrée ou autorisé. L’on interdit en principe l’apposition des empreintes, croix ou cachets, etc. la signature doit être manuscrite. On peut souligner l’importance de la signature dans les alinéas 2 et 3 de l’article 4 de l’Acte Uniforme portant organisation des sûretés : « (2) le cautionnement doit être constaté dans un acte comportant la signature des deux parties et la mention, écrite de la main de la caution, de la somme maximale garantie (…) (3) La caution qui ne sait ou ne peut écrire doit se faire assister de deux témoins qui certifient, dans l’acte de cautionnement son identité et sa présence et attestent, en outre, que la nature et les effets de l’acte lui ont été précisés. La présence des témoins certificateurs dispense la caution de l’accomplissement des formalités ». La signature, c’est déjà plus que la parole. C’est de l’ordre du « facere ». Ce qui conduit à ce qu’il faut faire lors de la rédaction du contrat.
II. ELABORATION DU CONTRAT
Elaborer, c’est concevoir, échafauder, préparer. Nous ferons le choix de dépasser l’étape de la conception (A) pour glisser vers la concrétisation, la réalisation (B).
- RECUEILLIR LES INFORMATIONS NÉCESSAIRES À LA RÉDACTION DU CONTRAT
Pour réunir ou collecter les informations nécessaires à la rédaction du contrat, il faut partir de l’idée que c’est pour un tiers ou des tierces personnes que l’on agit. Il est important de rédiger un contrat qui cadre avec les aspirations des parties en leur demandant ce qu’elles désirent (1). Une fois les réponses données ou obtenues, il est utile de faire une sorte de tableau de concordance (2).
- L’interview des contractants
En principe, personne ne sait mieux que les contractants ce qu’ils veulent faire. Mais, loin de douter des talents divinatoires du rédacteur du contrat, il faut simplifier les choses en leur demandant ce qu’il faut mettre par écrit. A ce niveau, le rédacteur n’est en principe que le serf des volontés des parties contractantes. Il est important de s’entretenir avec elles, de converser avec elles. C’est l’interview des contractants. Interviewer les contractants, c’est leur poser des questions précises. Pas des questions embarrassantes qui les désoleraient. Juste des questions qui servent à renseigner les parties et le rédacteur sur le document qui liera des sujets de droit comme une loi. Il faut éviter des questions vagues. Evidemment, votre contrepartie ne fait pas partie de l’interview. Avec du papier, et comme pour préparer une émission de radio ou de télévision, on pourrait établir une liste de questions dont les réponses serviront à meubler et justifier les clauses contractuelles. Par exemple, les formules suivantes peuvent être retenues :
Bien vouloir répondre aux questions clés méritant réponse dans le schéma contractuel que nous soumettons bientôt à votre appréciation :
- Pourquoi souhaitez-vous entrer en relations contractuelles ? quelles sont les raisons qui vous y ont poussés ?
- Quelles sont les parties qui entendent être liées par le contrat ?
- Quel est le fondement de la relation contractuelle ? C’est dire quel est l’objet du contrat, ce sur quoi le contrat repose, ce sur quoi il a son assise objective.
- Quelle est la nature de l’engagement des parties ? Quels sont les engagements respectifs des parties ?
- Y a-t-il lieu de dresser des rapports intermédiaires de réalisation ?
- Y a-t-il lieu de tenir des réunions périodiques en vue d’identifier des conflits potentiels.
Si oui, comment et quand ? Quelles sont les instances ou les personnes compétentes ? Comment doivent-elles se réunir ? Quels sont les documents qu’elles doivent produire et à qui ? - Qui finance les activités prévues ? comment les contreparties financières sont-elles gérées ?
- Quelles sont les ressources et comment les réunit-on ?
- Quelle est la durée du contrat ?
- Le contrat peut-il être renouvelé par tacite reconduction ?
- Quel est le lieu d’exécution du contrat ?
- Quelles sont les langues choisies pour le contrat ?
- Quelles sont les principales motivations qui peuvent conduire à la renégociation du contrat ?
- Quelle est la date prévue pour la prise d’effet du contrat ?
- Le contrat fait-il suite à un ou plusieurs avant-contrats ou pourparlers ?
- Quelles sont les instances d’accompagnement du contrat ? (Contrôle, suivi, prévention et régulation des conflits).
- Les parties entendent-elles recourir à l’arbitrage ?
- A quelle juridiction les parties devront-elles s’adresser ?
- Les parties ont-elles des observations à faire valoir ? (Observations finales et supplémentaires). Le rédacteur qui a toutes les réponses aux questions posées peut maintenant entrer dans son laboratoire.
2. La connexion à l’environnement correspondant au contrat
La rédaction du contrat est le technicien, le maître auquel on a fait recours. Il doit maintenant dresser une sorte de tableau de correspondance. Cela passe par le choix des mots et expressions. Cela passe aussi par la juxtaposition du droit applicable. En ce qui concerne les mots et expressions, il faut distinguer le vocabulaire technique du vocabulaire juridique. Le premier fait appel aux mots ou aux expressions qui doivent être utilisées pour les droits et obligations des parties. Par exemple celui qui a rédigé un contrat en matière de bâtiments ou de travaux publics doit connaître les exigences liées au port du casque, des gants, des paires de bottes. Il doit intégrer les notions de compacteur, manœuvre, ingénieur, charpentier, électricien, voûte, talus, mortier, béton armé, boitier, mamelon, coude, etc. bref, il doit meubler son langage de la réalité sociale ou professionnelle du milieu dans lequel les parties se déploient.
Comme l’a écrit un auteur : « tout secteur de la réalité sociale, perçu comme une entité identifiable » est potentiellement ou effectivement régi par la loi. C’est dire que le rédacteur du contrat doit édifier son raisonnement qui emprunte son vocabulaire à la langue du législateur, des praticiens, de la doctrine. Il a à sa portée plusieurs options sémantiques mais il ne devrait pas perdre de vue que : « la fonction essentielle d’un acte juridique sera de réunir l’ensemble des éléments et à faire courir par la “commune représentation” des parties le “changement” qu’elles seront appelées à vivre ». En une phrase, il doit veiller à ce que la convention soit légalement formée, débarrassée qu’elle sera d’ambigüité, d’obstacles et de contresens. Il pourra passer véritablement à l’acte.
B. RÉDIGER FINALEMENT LE CONTRAT
Comme on peut le constater, la rédaction du contrat n’est pas seulement une action, c’est avant tout une posture. Nous en avons simplement fixé les bases. Rédiger véritablement le contrat c’est manier des clauses (1) et vérifier l’harmonie du texte (2).
- Le maniement des clauses
Le contrat n’est rien d’autres qu’un ensemble de dispositions particulières : les clauses. Celles-ci peuvent être organisées autour des titres subdivisés en chapitres, eux-mêmes en paragraphes, qui décomposent des sections, etc. le texte d’ensemble peut être introduit par un préambule (facultatif) qui reprend l’environnement juridique, social, culturel et économique du contrat. Il peut par exemple orienter sur les textes applicables et choisis pour rédiger le contrat. Il peut aussi présenter le contexte du contrat et des motivations. C’est le lieu où figure la cause.
Comme l’a écrit Jean-Louis BERGEL : « pour mieux éclairer le sens des textes, il peut paraître nécessaire d’y préciser la signification des mots qui y sont employés en y définissant les concepts auxquels ils se réfèrent ». C’est ce que l’on nomme les articles de définitions.
Il y a aussi des articles de commande. Par exemple : « le présent contrat n’engage en principe que les parties signataires. Toutefois, il pourra être étendu aux tiers subséquents d’après les stipulations qui vont suivre ». De tels articles introduisent d’autres articles, paragraphes, sections ou chapitres. On ne peut oublier les articles de synthèse qui ont pour but de résumer une série d’observations.
Des articles peuvent faire référence à d’autres dans ce sens qu’au lieu d’énoncer directement les règles ou stipulations qui devront régir une situation, on les soumet à un régime juridique auquel était déjà soumise ou va être soumise une situation. C’est la technique du renvoi ou stipulations par référence. Ajoutons avec notre auteur plus haut cité qu’« il est plus correct de multiplier le nombre des articles afin de conserver à chacun son identité, et de les regrouper au sein d’une division générale au d’amalgamer des élé disparates dans un même texte qui devient obscur ».
Une fois la rédaction achevée, on doit tenir celle-ci pour première monture ou monture initiale. C’est plus que le brouillon mais, il faut que le commanditaire du contrat relise avant de conclure à une mouture finale.
2. Vérifier l’harmonie du texte
Le texte d’un contrat gagne à être éclairé. Il faut de la finesse, de l’adresse, de la clarté, de la justesse. Il faut une formulation concrète du contenu du contrat. Le rédacteur doit exprimer toute sa luminescence et la personnalité des commanditaires du contrat. S’il rédige un contrat d’adhésion, il doit être assez fin, adroit pour que le premier venu s’imagine qu’il s’agit d’un contrat de gré à gré.
Tous les titres, chapitres, sections et éventuellement les paragraphes doivent porter des intitulés. Il est mieux que ces derniers ne contiennent pas des verbes conjugués. Il ne doit pas s’agir de phrases. Le rédacteur doit empêcher que son œuvre littéraire ressemble à un simple tract ou à un reçu. C’est l’art, du talent, l’adresse, l’habilité, le savoir-faire que l’on attend de lui. Rien ne doit avoir été oublié. Souvenons-nous que le contrat précise la conduite des parties en même temps qu’il est un instrument de sécurité juridique et de preuve.
Le contrat doit envisager son présent, son futur et même son imparfait. Rappelons-nous que c’est une source du droit. Que retenir de l’architecture du texte ? Ecoutons plutôt le célèbre juriste allemand IHERING : « Plus la construction est simple et plus elle est parfaite… l’extrême simplicité est ici la manifestation suprême de l’art ». Telle est la posture de base du rédacteur d’un contrat, pensons-nous modestement.
Par OMBOLO MENOGA Pierre Emmanuel
Cet article a précédemment été publié dans le blog de l’Association Lumière du Droit : WWW.LUMIAIREDUDROIT.CENTERBLOG.NET