QU’EST-CE QUE LA CIMA ?

www.jurantiel.com,Par OMBOLO MENOGA Pierre Emmanuel

Le 10 juillet 1992 à Yaoundé (République du Cameroun) quatorze plénipotentiaires des Etats africains signaient le Traité instituant une organisation interafricaine des marchés d’assurances. C’était l’acte de naissance de la CIMA qui avoisine déjà une trentaine d’années d’existence.

C’est pour donner une idée générale de cette organisation internationale que cette contribution intellectuelle a été conçue. Dans les développements qui vont suivre, nous irons au-delà de la définition (1), en nous autorisant à passer en revue les caractères (2) et les objectifs (3) de la CIMA, tous ces aspects ayant pour but de donner une perception globale de la CIMA.      

1/ Définition de la CIMA et présentation de ses Etats membres

1-1/ Définition de la CIMA

La CIMA est l’acronyme de la Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurances.

Il faut la concevoir comme une organisation commune à ses Etats membres dotée de compétences et d’organes propres.

Il faut aussi la regarder comme une organisation intégrée de l’industrie des assurances dans les Etats africains.

1-2/ Présentation de ses Etats membres

Nous présentons la liste des Etats membres de la CIMA dans le tableau ci-après :

PAYS LANGUES OFFICIELLES SUPERFICIE (en Km2)
Bénin Français 112 622
Burkina Faso Français 274 200
Cameroun Français et anglais 475 442
République Centrafricaine Français 622 984
Congo Français 342 000
Côte d’Ivoire Français 322 462
Gabon Français 267 667
République de Guinée Bissau Portugais 36 120
Guinée Equatoriale Français 28 051
Mali Français 1 240 192
Niger Français 1 267 000
Sénégal Français 196 722
Tchad Français 1 284 000
Togo Français 56 785
TOTAL GENERAL 2 735 055

Il y a lieu de relever que la qualité d’Etat membre a évolué après la signature dudit Traité. Ainsi, bien que signataire, la République Fédérale Islamique des Comores n’a pas ratifié ce Traité jusqu’à ce jour. En 2002, la Guinée Bissau a adhéré à la CIMA et a ratifié le Traité en 2007. Ce qui ramène à quatorze[1] le nombre actuel d’Etats membres[2] qui ont en commun la langue française, en partage la même monnaie[3] et une trajectoire historique semblable, au moins en ce qui concerne la coopération dans le domaine des assurances.

2/ La nature juridique de la CIMA

2-1/ La CIMA : une organisation internationale

Il découle de l’article 1er alinéa 1er du Traité CIMA que la CIMA est une organisation internationale. Il s’agit d’un « appareil d’organes »[4] et en même temps, « un forum où les Etats membres viennent s’exprimer et débattre des problèmes qui affectent leurs relations mutuelles »[5].

Pour ce qui est de sa catégorie d’appartenance parmi les organisations internationales, deux principes de classifications[6] peuvent nous aider dans notre démarche : le domaine d’activité ou l’étendue du territoire de compétence des organisations internationales[7].

2-2/ La CIMA : une organisation internationale sectorielle

En fonction du domaine d’activités, on distingue les organisations générales des organisations sectorielles. Les premières ont une compétence très élargie, dans la mesure où leur champ d’action n’est pas limitatif ou restreint à un secteur social, économique, stratégique ou financier donné[8]. Ce qui est tout à fait l’inverse des organisations sectorielles en ce sens que leur équivalent sémantique est organisations spécialisée[9]. Il faut bien reconnaître que les organisations générales sont souvent mondiales et que les organisations sectorielles sont ordinairement partielles.

En fonction de l’étendue du territoire ou de la sphère géographique où se situent les Etats membres, on distingue les organisations mondiales des organisations partielles. Les premières ont pour ambition de regrouper tous les Etats de l’ensemble des continents. Les secondes sont subdivisées en organisations continentales[10], en organisations régionales[11] et en organisations sous-régionales[12].

Au vu de ce qui précède, la CIMA n’est pas une organisation générale. Ce n’est non plus une organisation mondiale ou continentale. Ne pouvant être réduite à l’échelle sous-régionale, elle appartient à la catégorie des organisations régionales. C’est une organisation régionale sectorielle dont le champ d’action est d’abord de concertation, ensuite décisionnel et enfin opérationnel. De ce fait, le Traité CIMA est un traité multilatéral créant un espace d’intégration à caractère régional[13].

3/ Les objectifs de la CIMA

3-1/ Les objectifs généraux découlant du préambule du Traité CIMA

L’analyse du préambule du Traité instituant la CIMA nous permet de dégager six objectifs généraux, à savoir :

  • la poursuite en commun de la rationalisation des marchés nationaux des assurances ;
  • le renforcement de la protection des assurés, des bénéficiaires de contrats et des victimes de dommages ;
  • le renforcement de la politique de formation en vue de répondre aux besoins nouveaux de l’assurance africaine ;
  • l’intensification de la coopération existant entre les Etats membres dans le domaine de l’assurance ;
  • le développement sain et équilibré de l’industrie intégrée des assurances ;
  • la constitution d’un marché élargi et intégré des assurances : la transformation progressive des marchés nationaux des assurances en un grand marché disposant de règles et d’une autorité commune.

3-2/ Les objectifs spécifiques découlant du corpus du Traité CIMA

Ces objectifs spécifiques qui apparaissent comme la boussole ou le cahier de charges de la CIMA découlent de l’exploitation de l’article 1er alinéa 1er du Traité CIMA.

Nous les présentons dans le tableau ci-après :

LES OBJECTIFS DE LA CIMA
MISSIONS FINALITES
1 Prendre toutes les mesures pour le renforcement et la consolidation de la coopération étroite entre les Etats membres dans le domaine de l’assurance Aider les marchés respectifs des Etats membres à couvrir divers risques mieux adaptés aux réalités africaines et aux impératifs du commerce extérieur.
2 Encourager la mise en place de facilités permettant aux organismes d’assurances et/ou de réassurance opérant dans les pays membres d’effectuer des échanges d’affaires par les techniques adéquates Accroître la rétention au plan national et régional.
3 Prendre les mesures appropriées pour l’injection des provisions techniques et mathématiques générées par les opérations d’assurance et de réassurance dans les économies des Etats membres Permettre l’investissement local au profit des économies des Etats membres pris individuellement et de la région (CIMA) prise dans sa globalité.
4 Poursuivre la politique de formation des cadres et techniciens en assurance Pourvoir aux besoins en ressources humaines qualifiées pour les administrations et les entreprises tant d’assurance que de réassurance.
5 Mettre en œuvre la spécialisation et la formation permanente La rationalisation de la gestion des ressources humaines dans les entreprises d’assurance et de réassurance ainsi que dans les administrations concernées.
6 Créer des structures communes chargées de l’étude, de la définition et de la mise en œuvre des orientations politiques et des décisions dans les domaines de compétence de la Conférence Faciliter les conditions d’un développement sain et équilibré des entreprises d’assurance.
7 Poursuivre la politique d’harmonisation et d’unification des dispositions législatives et réglementaires liées aux opérations techniques de réassurance et d’assurance ainsi qu’au contrôle desdits organismes Densifier la coopération entre les Etats membres afin d’aboutir au plein essor de l’industrie des assurances dans ces Etats.
8 Pourvoir en ressources financières, matérielles et humaines les institutions communes Faciliter la coopération en matière d’assurance et de réassurance entre les Etats membres.

Notes :

[1] C’est-à-dire tous les Etats membres des espaces d’intégration économique sous-régionale de la CEMAC, la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée Equatoriale, Tchad) et ceux de l’UEMOA, l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo).

[2] La République de Guinée (Conakry) a simplement bénéficié de la qualité d’observateur de 1998 à 1999.

[3] C’est le franc CFA (Franc de la Communauté Financière Africaine).

[4] VIRALLY (M), « Les actes unilatéraux des organisations internationales », in BEDAOUI (M), Droit international : Bilan et perspectives, Paris, PEDONE, 1991, pages 253.

[5] VIRALLY (M), « De la classification des organisations internationales », in MISCELLANEA W. J GRANSHOF VAN DER MEERSH, Bruxelles, 1972, page 381.

[6] Nous mettons provisoirement de côté la classification en fonction de la nature de l’activité (distinction entre les organisations de concertation, les organisations décisionnelles et les organisations opérationnelles) qui nous servira d’élément à la définition de la supranationalité de la CIMA.

[7] Sur cette distinction, VIRALLY (M), « De la classification des organisations internationales », passim.

[8] L’ONU est la référence des organisations internationales mondiales.

[9] La dénomination de telles organisations internationales contient très souvent l’indication de leur champ d’action. On doit excepter ici le cas spécifique des institutions spécialisées des Nations Unies.

[10] Ce sont des organisations internationales créées par des Etats membres qui appartiennent à un même continent. On peut citer, pout le cas de l’Afrique, l’OUA qui est devenue plus tard l’UA.

[11] Ces organisations internationales peuvent être appréhendées comme celles mises sur pied par des Etats ressortissant d’une même région ; la région représentant dans cette logique un découpage du continent. A titre illustratif, nous avons l’OAPI et l’OHADA. 

[12] La sous-région peut être regardée comme une subdivision significative de la région. Nous sommes en présence d’organisations créées par des Etats membres qui sont originaires d’une même sous-région. C’est l’exemple notamment de la CEMAC et de l’UEMOA. 

[13] Nous nous autorisons à paraphraser un attendu de l’arrêt VAN GEND EN LOOS du 5 Février 1963 redu par la Cour de Luxembourg et disons que le Traité CIMA « constitue plus qu’un accord qui ne créerait que des obligations mutuelles entre les Etats contractants » et la Communauté qui en résulte « constitue un nouvel ordre juridique de droit international ».

Par OMBOLO MENOGA Pierre Emmanuel

Cet article a précédemment été publié dans le blog de l’Association Lumière du Droit : WWW.LUMIAIREDUDROIT.CENTERBLOG.NET