LA DIRECTION GENERALE DES ETABLISSEMENTS PUBLICS HOSPITALIERS : QUATRE YEUX POUR UN SEUL REGARD ?

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SOMMAIRE :

INTRODUCTION

I- LA REALITE D’UN SEUL REGARD AU SEIN DE LA DIRECTION GENERALE DES ETABLISSEMENTS PUBLICS HOSPITALIERS

      A- Le regard constant du Directeur Général

       1- Un regard permanent

a- Le Directeur Général pris comme une incarnation de l’EPH auprès des tiers

b- La maîtrise de la gestion quotidienne de l’EPH par le Directeur Général

2- Un regard rémanent

a- Le Directeur Général comme centre de préparation des décisions du Conseil d’Administration

b- Le Directeur Général comme organe de relai des structures de tutelle de l’EPH

B- Le regard absent du Directeur Général Adjoint

1- Un regard absent dans la gestion quotidienne de l’EPH

a- Une absence découlant de la loi sur les EPA

b- Une absence confirmée par les textes particuliers régissant les EPH

2- Un regard absent dans la définition de la politique générale de l’EPH

a- Un laissé-pour-compte dans la préparation des décisions du Conseil d’Administration

b- Une présence effacée lors de la tenue des sessions du conseil d’Administration

II- LA NECESSITE D’UN REEL DOUBLE REGARD AU SEIN DE LA DIRECTION GENERALE DES ETABLISSEMENTS PUBLICS HOSPITALIERS

A- Une nécessité à la portée des conseils d’Administration des établissements publics hospitaliers

1- Une possibilité de répartition des pouvoirs par le Conseil d’Administration

a- Une possibilité offerte en situation normale

b- Une possibilité disponible en situation d’inconfort du Directeur Général

2- Une possibilité d’édifier l’autorité compétente pour nommer

a- La possibilité offerte aux Conseils d’Administration de démettre les directeurs généraux de leurs fonctions

b- La possibilité offerte au Conseil d’Administration de proposer la mise en œuvre de la règle du double regard

B- Une nécessité à inscrire dans l’agenda du législateur camerounais

1- La modification nécessaire des textes particuliers régissant les établissements publics hospitaliers

a- Les contours d’une telle nécessité

b- Quelques propositions de rédaction quant à cette réforme

2- La modification nécessaire de la loi sur les établissements publics administratifs

a- Les résistances possibles sur le chemin d’une telle modification

b- La pertinence du choix d’une telle modification

INTRODUCTION

La Direction Générale des établissements publics hospitaliers (EPH) est assurée par deux personnes physiques au moins à savoir un Directeur Général et un Directeur Général Adjoint. Cette situation traduit celle qui est vécue en matière de gouvernance des établissements de crédit en général et des banques en particulier. On parle là-bas du principe des quatre yeux encore dénommé règle du double regard.

Le principe des quatre yeux renvoie à l’obligation faite aux banques et établissements financiers d’avoir au niveau de leur organe exécutif (Direction Générale) deux personnes physiques au moins en qualité de Directeur Général et de Directeur Général Adjoint.

En zone CEMAC, il est prévu par l’article 18 de l’Annexe à la Convention portant harmonisation de la réglementation bancaire. Cet article dispose que :

« La Direction Générale des établissements de crédit est assurée par deux personnes au moins »

C’est l’un des principes directeurs en matière de gestion, de développement et de fonctionnement efficace des entreprises du secteur bancaire. Il est confirmé par le Règlement N°04/08//CEMAC/UMAC/COBAC relatif au gouvernement d’entreprise dans les établissements de crédit de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC). Ce Règlement peut servir à plus d’un titre dans le cadre de notre analyse. Il peut d’abord servir à prendre acte de la définition de la Direction Générale ou organe exécutif. L’article 2 de ce règlement conçoit cette instance comme étant un

« Ensemble de personnes qui assurent la gestion courante de l’établissement assujetti conformément aux dispositions de l’article 18 de l’Annexe à la Convention du 17 janvier 1992 ».

Il peut ensuite aider à connaître la séparation des fonctions au sein des établissements de crédit. C’est ainsi que l’article 21 de ce règlement impose que :

« Les règles internes en vigueur dans chaque établissement de crédit doivent définir de manière claire et sans équivoque les modalités de division des responsabilités à la tête de l’établissement qui garantit un équilibre des pouvoirs et de l’autorité de manière à éviter la concentration du pouvoir de décision entre les mains d’une seule et même personne. »

Il peut enfin nous éclairer sur la séparation des fonctions entre la Direction Générale et le Conseil d’Administration. C’est l’article 22 dudit Règlement qui est clair à ce propos quand il dispose que :

« Les fonctions de Président du Conseil d’Administration et de Directeur Général d’un établissement de crédit ne doivent pas être exercées par une même personne.»

Cette dernière hypothèse nous permet de savoir qu’il ne peut pas exister la figure de Président-Directeur Général au sein des établissements de crédit. Cela est également vrai pour le cas des EPH.

En effet, tout EPH exerçant au Cameroun est structuré en termes de Conseil d’Administration et de Direction Générale. A la tête du Conseil d’Administration se trouve un Président, le Président du Conseil d’Administration qui ne doit pas assumer les missions des personnes retenues au sein de la Direction Générale.

La Direction Générale des EPH, objet de notre particulière attention compte aussi deux personnes au moins tout comme les établissements de crédit. Il y a alors application de la règle du double regard ou du principe des quatre yeux aux EPH et séparation des pouvoirs entre le Conseil d’Administration et la Direction Générale. Pour preuve, l’article 7 du Décret N°2001/271 du 24 septembre 2001 portant création, organisation et fonctionnement de l’Hôpital Gynéco-Obstétrique et Pédiatrique de Yaoundé dispose que :

« Les organes de gestion de l’Hôpital sont :

– Le Conseil d’Administration ;

– La Direction Générale. »

L’article 12 alinéa 1 du même texte précise que :

« Le Conseil d’Administration dispose des pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de l’Hôpital, définir et orienter sa politique générale et évaluer sa gestion dans les limites fixées par son objet social. »

Par ailleurs, ajoute les articles 20 et 23 alinéa 3 du même Décret :

« La Direction de l’Hôpital est placée sous l’autorité d’un Directeur Général assisté d’un Directeur Général-Adjoint, tous deux nommés par décret du Président de la république pour un mandat de trois (3) ans renouvelable deux (2) fois. »

« Le Directeur Général et le Directeur Général Adjoint sont soumis aux mesures restrictives et incompatibilités prévues par la législation en vigueur. »

Ce qui vient d’être dit pour l’Hôpital Gynéco-Obstétrique et Pédiatrique de Yaoundé vaut aussi pour :

*l’Hôpital Général de Yaoundé (Décret N°2001/268 du 24 septembre 2001 portant réorganisation de l’Hôpital Général de Douala) ;

*l’Hôpital Général de Yaoundé (Décret N°2001/270 du 24 septembre 2001 portant réorganisation de l’Hôpital Général de Yaoundé) ;

*le Centre Hospitalier et Universitaire de Yaoundé (Décret N°2001/267 du 24 septembre 2001 portant réorganisation du Centre hospitalier et Universitaire de Yaoundé).

Il reste à préciser à quoi se rapporte le vocable d’EPH. Il n’est ni légalement ni réglementairement consacré. Pour ne pas ouvrir des brèches à des explications complexes, nous disons qu’il s’agit des Hôpitaux publics ayant le statut d’Etablissements Publics Administratifs.

A tous ces EPH, le principe des quatre yeux normalement en vigueur en matière bancaire leur est applicable. Il y aurait alors, non pas un seul regard à la Direction Générale des EPH, mais deux, celui du Directeur Général et celui du Directeur Général Adjoint. La doctrine spécialisée en matière bancaire dit du principe des quatre yeux qu’il a été introduit « afin d’accroître les chances d’une bonne gestion et de minimiser les risques d’erreur dans l’appréciation… » (Alain KENMOGNE SIMOL’appréhension des difficultés de l’industrie des services financiers : le cas des firmes bancaires en Afrique noire francophone. Contribution à l’édification d’un droit de la faillite bancaire, Mémoire de fin de formation présenté et soutenu en vue de l’obtention du diplôme de MBA en Banque et finance, C.E.S.A.G – Dakar, 2001-2002, pages 25 et 26)

En raccourci, ce principe induit le souci de la gouvernance, et pour notre étude, la gouvernance des EPH. On ne devrait pas assister à la confiscation du pouvoir par le Directeur Général ; le Directeur Général devrait diriger en harmonie avec le Directeur Général Adjoint qui serait loin d’être une coquille vide. Les chances d’une bonne gestion et la minimisation des risques d’erreur dans l’administration des EPH seraient garantis.

Nous allons ainsi nous demander si la présence de deux personnes à la tête de la Direction Générale des EPH trahit une juste et saine application de la règle du double regard en vigueur en matière bancaire. S’agit-il d’une règle de simple apparat ? La réponse à cette question de recherche nous conduira à parler tour à tour de la réalité d’un seul regard au sein de la Direction Générale des EPH (I) et de la nécessité d’un réel double regard (II). Notre analyse aura en s’achevant participer à la construction d’un cadre de gouvernance des hôpitaux publics camerounais.

I- LA REALITE D’UN SEUL REGARD AU SEIN DE LA DIRECTION GENERALE DES ETABLISSEMENTS PUBLICS HOSPITALIERS

La réalité d’un seul regard au sein de la Direction Générale des EPH se vérifie par deux idées. D’une part, on assiste à un regard constant du Directeur Général (A). D’autre part, la figure du Directeur Général Adjoint brille par un regard absent (B).

A- LE REGARD CONSTANT DU DIRECTEUR GÉNÉRAL

La figure du Directeur Général d’un EPH n’est pas à rechercher comme une aiguille dans une botte de foins. La constance de son regard se justifie par la permanence de ses attributions (1) et leur rémanence dans les rapports avec le Conseil d’Administration et la tutelle (2).

1- Un regard permanent

Le regard du Directeur Général est doublement permanent. Dans un premier temps, la réglementation en fait l’incarnation de l’EPH auprès des tiers (a). Dans un second temps, la maîtrise de la gestion quotidienne de l’EPH lui incombe (b).

a- Le Directeur Général pris comme une incarnation de l’EPH auprès des tiers

Le Directeur Général est pris comme la figure qui représente l’EPH aux yeux des tiers. Pour s’en convaincre, il suffit de recourir aux textes.

En effet, l’article 21 alinéa 1er du Décret N°2001/270 du 24 septembre 2001 portant réorganisation de l’Hôpital Général de Yaoundé dispose entre autres que le Directeur Général « représente l’Hôpital Général dans tous les actes de la vie civile et en justice » Cette disposition est reprise dans tous les textes du même genre pour les EPH. Elle trahit le fait que l’autorité adressataire des correspondances dirigées vers l’EPH en tant que personne morale est le Directeur Général et non une autre personne. C’est dire que le courrier destiné à l’EPH qui ne porte pas la référence d’une interpellation en première ligne du Directeur Général est inopposable à cet EPH. On ne s’adresse mieux à l’EPH qu’en s’adressant au Directeur Général de l’EPH.

Pareillement, c’est le Directeur Général qui est habilité à représenter l’EPH devant les diverses instances administratives, à l’exclusion de toute autre personne, y compris le Directeur Général Adjoint. Il en est de même en justice, à moins qu’il ne désigne par un acte qu’il a dûment signé une autre personne. Nous voulons dire que le Directeur Général Adjoint n’est pas admis par les textes à s’exprimer publiquement au nom de l’EPH si le Directeur Général ne lui en a pas donné la permission. Cet état de choses est accentué s’agissant de la gestion quotidienne normale de l’EPH.

a- La maîtrise de la gestion quotidienne de l’EPH par le Directeur Général

Le Directeur Général peut bénéficier des délégations du Conseil d’Administration. Ce n’est pas encore ce qui rend compte de la maîtrise de la gestion quotidienne de l’EPH par cette autorité. On peut le dire plus utilement en prétendant que l’article 21 alinéa 1er des textes régissant spécifiquement les EPH prévoit souvent les attributions générales du Directeur Général. S’il est « chargé de la gestion et de l’application au quotidien de la politique générale de l’Hôpital », c’est bien au quotidien et non sporadiquement. Son regard est alors permanent sur les plans technique, administratif, financier, patrimonial et social.

Dans le registre de ses attributions à incidence social par exemple, c’est lui qui « recrute, nomme, note et licencie le personnel sous réserve des prérogatives reconnues au Conseil d’Administration, fixe leurs rémunérations et leurs avantages dans le respect des lois et règlements… »

Ses attributions patrimoniales lui permettent de gérer les biens meubles et immeubles, corporels et incorporels de l’EPH. Celles financières ou d’ordre budgétaire font de lui l’Ordonnateur principal de l’Hôpital sur proposition duquel des ordonnateurs secondaires peuvent être institués par le Conseil d’Administration.

C’est peut dire que de prétendre qu’il est la cheville ouvrière de l’EPH. Cela se confirme dans ce que nous percevons comme étant un regard rémanent dans la gestion de l’Hôpital.

1- Un regard rémanent

Le regard du Directeur Général est rémanent en ce sens que c’est lui le centre de préparation des décisions du Conseil d’Administration (a). C’est aussi lui qui assure le relai avec les organes de tutelle de l’EPH (b).

a- Le Directeur Général comme centre de préparation des décisions du Conseil d’Administration

Démontrer que le Directeur Général est le centre de préparation des décisions du Conseil d’Administration n’est pas une chose difficile. Un survol rapide des textes juridiques en la matière peut convaincre même le plus sceptique.

Tenons par exemple. C’est lui qui « prépare le budget, les états financiers annuels et les rapports d’activités » C’est toujours lui qui « prépare les délibérations du Conseil d’Administration, assiste avec voix consultative à ses réunions et exécute ses décisions » Il est au centre de la préparation des projets de budget et des plans d’investissement de l’Hôpital.

Pour des recrutements relevant de la compétence du conseil d’Administration, c’est lui qui est à la base des décisions sociales à prendre plus tard par cette instance. Homme à tout faire pratiquement, c’est aussi le Directeur Général qui assure le relai avec les structures de tutelle.

b- Le Directeur Général comme organe de relai des structures de tutelle de l’EPH

Le Directeur Général doit faire un certain nombre de rapports non seulement à la tutelle technique mais aussi à la tutelle financière. Il s’agit d’abord de celui qui porte sur les états relatifs à la situation de tous les comptes bancaires, comptes de dépôt et de portefeuille. Il s’agit aussi des inventaires ainsi que de l’état des créances et des dettes. Il s’agit enfin des documents relatant des situations périodiques et rapports annuels d’activités.

Dans le même sens, il doit présenter au Ministre chargé des finances et au Ministre chargé de la Santé publique, dans les six mois suivant la clôture de l’exercice budgétaire, les états financiers annuels, le rapport d’exécution du budget de l’exercice écoulé et un rapport sur l’état du patrimoine de l’EPH.

A cela s’ajoute le fait que :

« Le projet de budget annuel et les plans d’investissement de l’Hôpital sont préparés par le Directeur Général, adoptés par le Conseil d’Administration et transmis pour approbation au Ministre de tutelle technique et au Ministre chargé des finances avant le début de l’exercice budgétaire. » (Article 29 apparaissant dans tous les Décrets régissant les EPH).

Ce qui est paradoxal, c’est que le regard constant du Directeur Général, a pour incidence d’effacer celui du Directeur Général Adjoint alors même que les deux personnes semblaient être destinées à traduire dans la réalité la règle du double regard.

B- LE REGARD ABSENT DU DIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINT

Le regard du Directeur Général Adjoint est absent, peut-on dire partout. Il l’est donc dans la gestion quotidienne de l’EPH (1) comme dans la définition de la politique générale de cette structure (2).

1- Un regard absent dans la gestion quotidienne de l’EPH

Nous inclinons à penser que le regard du Directeur Général Adjoint est absent dans la gestion quotidienne de l’EPH pour deux raisons complémentaires. La première est que la loi n’a rien envisagé comme attribution d’icelui (a). La seconde est évidemment tirée du mutisme des textes spécifiquement applicables aux EPH (b).

a- Une absence découlant de la loi sur les EPA

Le visa des décrets portant création ou réorganisation des EPH, tous datés du 24 septembre 2001 renvoie en second lieu à la Loi N°99/016 du 22 décembre 1999 portant statut général des établissements publics et des entreprises du secteur public et parapublic. Ce n’est pas par hasard si cela se reproduit. C’est que les EPH sont avant tout des Etablissements Publics Administratifs. Lorsqu’un tel Etablissement est créé ou réorganisé, ce doit être conformément à cette loi.

Cette loi précise en son article 61 que :

« Les organes de gestion d’un établissement public administratif sont :

– Le Conseil d’administration ;

– La Direction Générale. »

Ce sont les articles 68 à 71 de la même loi qui rendent compte des généralités et des pouvoirs inhérents à la Direction Générale.

Nous ne nous attarderons pas ici sur les attributions de la Direction Générale des EPA. Nous retiendrons directement les prévisions liées à la structure de la Direction Générale. En effet, l’article 68 de la Loi N°99/016 du 22 décembre 1999 portant statut général des établissements publics et des entreprises du secteur public et parapublic dispose que :

« Le Directeur Général est nommé par décret du président de la République pour une période de trois (3) ans renouvelable deux (2) fois. »

Nous retenons de cette disposition que la Direction Générale des EPA se réduit à une seule personne, à savoir la figure du Directeur Général. Cette loi ne contient donc aucune mention relativement au Directeur Général Adjoint qui peut y être regardé comme un intrus ou un oublié.

Ceci expliquant peut-être cela, les textes spécifiquement applicables aux EPH ont prévu la figure du Directeur Général Adjoint sans accompagner cet état de choses d’attributions.

b- Une absence confirmée par les textes particuliers régissant les EPH

Que les choses soient bien claires : nous ne prétendons pas que les textes régissant spécifiquement les EPH n’ont pas, à l’instar de la loi de 1999 envisagé du tout la figure du Directeur Général Adjoint. Cette figure existe bel et bien dans ces textes spéciaux. Mais seulement, les textes spéciaux ont eu tendance à imiter le texte à portée générale ou d’habilitation qu’est la loi de 1999.

Cela dit, le Directeur Général Adjoint est absent dans la gestion quotidienne de l’EPH. Il est à la remorque du Directeur Général. Car, les décrets prennent soin de tout offrir au Directeur Général et de prévoir qu’il lui appartient de déléguer certains de ces pouvoirs à quiconque.

Nommé par Décret du Président de la République comme l’autre, le Directeur Général Adjoint peut être réduit à un rôle de spectateur du Directeur Général. S’il assume des fonctions spécifiques, c’est par les bonnes grâces et le bon vouloir du Directeur Général.

Corsons cette analyse en ajoutant que c’est le Directeur Général qui est l’Ordonnateur principal de l’EPH. Le Directeur Général Adjoint n’est même pas ordonnateur secondaire, à moins que le Directeur Général le propose à cette fonction au Conseil d’Administration.

Absent dans la gestion quotidienne de l’EPH, il l’est mêmement dans la définition de la politique de la structure qui fait décidément de lui un prince qui est vénéré mais ne gouverne pas.

2- Un regard absent dans la définition de la politique générale de l’EPH

Le Directeur Général est absent dans la définition de la politique générale de l’EPH à un double niveau. Le premier a trait à la préparation des décisions du conseil d’Administration (a) alors que le second fait référence à la tenue des sessions du Conseil d’Administration (b).

a- Un laissé-pour-compte dans la préparation des décisions du Conseil d’Administration

La préparation des décisions du Conseil d’Administration aurait pu impliquer la Direction Générale toute entière, en tenant compte de l’existence d’un Directeur Général à côté d’un Directeur Général Adjoint. Une fois de plus, le Directeur Général Adjoint a été déshabillé ; du moins les vêtements ne lui ont pas été donnés.

Il ne participe pas en principe aux côtés du Directeur Général pour ce qui est du projet de budget annuel et les plans d’investissement. A cet égard, la loi de 1999 dispose en son article 75 alinéa 1er que :

« Le projet de budget annuel, y compris les plans d’investissement publics administratifs appartenant à l’Etat, est préparé par le Directeur Général, adopté par le Conseil d’Administration et transmis pour approbation au Ministre de tutelle technique et au Ministre chargé des finances avant le début de l’exercice budgétaire suivant. »

Le législateur a été suivi mutatis mutandis par les rédacteurs des textes du 24 septembre 2001. Dans ces textes, l’article 29 dispose souvent que :

« Le projet de budget annuel et les plans d’investissement de l’Hôpital sont préparés par le Directeur Général, adoptés par le Conseil d’Administration et transmis pour approbation au Ministre de tutelle technique et au Ministre chargé des finances avant le début de l’exercice budgétaire. »

Encore le Directeur Général et toujours lui au détriment peut-être du Directeur Général Adjoint qui est aussi absent lors de la tenue des sessions de Conseils d’Administration des EPH.

b- Une présence effacée lors de la tenue des sessions du conseil d’Administration

Il doit avoir au moins deux sessions ordinaires de Conseil d’Administration des EPH par an. Une session est consacrée au vote du budget tandis que l’autre est prévue pour arrêter les états financiers annuels et examiner la marche de la structure. A ce différentes sessions, le Directeur Général Adjoint ne prend pas forcement part. Les textes n’envisagent rien qui le concerne s’agissant de la tenue des Conseils d’Administration. Il aurait pu être prendre part aux côtés du Directeur Général, que le législateur l’a déclaré implicitement hors-jeu à ce niveau.

Et c’est à peine s’il ne doit pas être expulsé de la salle de tenue des séances du Conseil d’Administration au cas où il songerait que lui aussi a un regard à porter sur la définition de la politique de l’EPH dont il est l’adjoint du Directeur Général.

Décidément, la direction est un habit qui va mal au Directeur Général Adjoint. Il ressemble bien aux figurants dont les acteurs principaux ignorent même la présence dans les films. Pourtant, il faut que le législateur lui donne un rôle correspondant à la paire d’yeux dont il est encore inutilement doté à la tête de la Direction Générale des EPH.

II- LA NECESSITE D’UN REEL DOUBLE REGARD AU SEIN DE LA DIRECTION GENERALE DES ETABLISSEMENTS PUBLICS HOSPITALIERS

La nécessité d’un réel double regard prend appui sur la gouvernance des EPH. C’est une nécessité à la portée des Conseils d’Administration des EPH (A). C’est surtout une nécessité à inscrire dans l’agenda du législateur camerounais (B).

A- UNE NÉCESSITÉ À LA PORTÉE DES CONSEILS D’ADMINISTRATION DES ETABLISSEMENTS PUBLICS HOSPITALIERS

Les Conseils d’Administration des EPH ont la possibilité de répartir les pouvoirs (1) et d’édifier les autorités en charge des nominations (2) pour concrétiser le principe des quatre yeux dans les EPH.

1- Une possibilité de répartition des pouvoirs par le Conseil d’Administration

La possibilité qu’a la Conseil d’Administration de répartir les pouvoirs au sein de la Direction Générale existe en période normale (a) comme en situation d’inconfort du Directeur Général (b).

a- Une possibilité offerte en situation normale

En période normale, c’est-à-dire en l’absence de toute crise ou inconfort du Directeur Général, le Conseil d’Administration peut agir pour corriger l’absence du Directeur Général Adjoint.

Il peut d’abord se souvenir de l’article 20 des décrets de 24 septembre 2001 :

« La Direction Générale de l’Hôpital est placée sous l’autorité d’un Directeur Général assisté d’un Directeur Général Adjoint, tous deux nommés par décret du Président de la République pour un mandat de trois (3) ans renouvelable deux (deux) fois. »

Le Conseil d’Administration doit à ce titre donner une définition du terme « assisté » qui a un rapport avec la gouvernance. « Assisté » renverra alors à « aidé », « soutenu », « accompagné », ou encore « secouru ». Ce qui voudrait dire que le Directeur Général n’est pas du tout seul à la tête de la Direction Générale de l’EPH.

S’il n’est pas seul, c’est que le regard du Directeur Général Adjoint compte aussi. Le Conseil d’Administration peut alors l’inviter à participer à ses sessions au moins comme elle inviterait un expert ou une tierce personne avec peut-être une voix consultative. Rien ne semble par ailleurs interdire que le Conseil l’associe aux Comités qu’il crée pour étudier des questions spécifiques. Rien ne s’y oppose. Cela est donc implicitement permis.

La possibilité de donner des attributions au Directeur Général Adjoint reste disponible en situation d’inconfort du Directeur Général Adjoint.

b- Une possibilité disponible en situation d’inconfort du directeur général

Les situations d’inconfort qui peuvent affecter le Directeur Général sont nombreuses. Il s’agit d’abord d’un cas d’empêchement temporaire.

Il peut ensuite être question de la vacance de poste pour cause de décès, de démission ou d’empêchement définitif dûment constaté par le Conseil d’Administration.

Il peut enfin s’agir de la suspension de ses fonctions par le Conseil d’Administration constatant une faute de gestion ou une faute grave du Directeur général.

Dans l’un ou l’autre cas, il appartient au Conseil d’Administration de prendre « toutes les mesures nécessaires pour assurer la bonne marche de l’Hôpital ». Autant dire qu’il appartient au Conseil de pourvoir au remplacement du Directeur Général momentanément ou définitivement empêché.

Nous pensons que la première personne qui doive être appelée à remplacer le Directeur Général dans le cas de la survenance de l’une ou l’autre hypothèse est son adjoint, le Directeur Général Adjoint.

Et nous tenons à souligner que le vocable « assisté » qu’a utilisé le législateur peut être rapporté à celui de « remplacé » ou de « seconder ». En fait, le Directeur Général doit pouvoir seconder le Directeur Général Adjoint, à la diligence du Conseil d’Administration.

Mais le Conseil a aussi la possibilité d’édifier les autorités en charge des nominations.

2- Une possibilité d’édifier l’autorité compétente pour nommer

Le Conseil d’Administration peut aussi être le conseiller de l’autorité habilitée à nommer le Directeur Général ou le Directeur Général Adjoint : le Président de la République. Cette possibilité (b) est précédée par celle qu’a le Conseil d’Administration de démettre les Directeurs Généraux de leurs fonctions (a).

a- La possibilité offerte aux Conseils d’Administration de démettre les Directeurs Généraux de leurs fonctions

D’après l’article 22 du texte des décrets spécifiquement applicables aux EPH :

« Le Directeur Général est responsable devant le Conseil d’Administration qui peut le sanctionner en cas de faute grave de gestion ou de comportement susceptible de nuire à la bonne marche ou à l’image de l’Hôpital… » Cet état de choses existait déjà dans le texte de la loi de 1999. C’est l’alinéa 2 de l’article 69 de cette loi qui continue de prévoir que :

« Le Directeur Général encourt les sanctions suivantes :

– La suspension de certains pouvoirs ;

– La suspension de ses fonctions, pour une durée limitée, avec effet immédiat ;

– La suspension de ses fonctions, avec un effet immédiat assortie d’une demande de révocation à l’autorité qui l’a nommée. »

On peut juste remarquer ce n’est pas le Conseil d’Administration qui nomme le Directeur Général. Mais il peut le révoquer. Par ailleurs, le texte de 1999 pas plus que ceux de septembre 2001 n’ont prévu de pouvoir de sanctionner le Directeur Général Adjoint.

Pour y remédier, il est possible de concevoir le vocable de « Directeur Général » comme la Direction Générale. En d’autres termes, le Conseil d’Administration peut sanctionner l’un ou l’autre en prétendant que les termes « Direction Générale » et « Directeur Général » sont équivalents. Ce qui augure déjà l’option de challenge véritable qui leur est offerte.

Par OMBOLO MBEGUE Justin, (de regretté mémoire) Ancien Administrateur principal de la santé, enseignant vacataire à l’ENAM, ancien Directeur des études, de la planification et de l’informatique au Ministère de la Santé Publique, ancien Directeur des Affaires Administratives et Financières au CHU de Yaoundé, ancien Directeur de l’Hôpital de LAQUINTINIE de DOUALA

ET

OMBOLO MENOGA Pierre Emmanuel.

N.B : Cette contribution intellectuelle a été précédemment publiée dans le blog de l’Association Lumière du Droit : www.lumiairedudroit.centerblog.net. Aucune modification n’a été apportée à cette version initiale.

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