LA GESTION DU RISQUE JURIDIQUE DANS UNE COMPAGNIE D’ASSURANCE
www.jurantiel.com, par OMBOLO MENOGA Pierre Emmanuel
La gestion du risque juridique est une affaire de tous dans une organisation. Les compagnies d’assurance n’en sont pas épargnées.
Nous allons mettre cela en exergue à travers neuf questions auxquelles nous apporterons au fur et à mesure des éléments de réponse simples et facilement accessibles.
1°/ Qu’est-ce que le risque juridique ?
Le risque juridique est généralement défini comme le risque de litige avec une contrepartie résultant notamment de toute imprécision, lacune ou insuffisance de nature quelconque, susceptible d’être imputé à une personne donnée au titre de ses opérations ou activités. C’est aussi tout aléa ou l’éventualité de tout événement que peut subir une entreprise du fait de la non-conformité avec des exigences d’ordre juridique, stables ou variables dans le temps. Il peut être dû à la mauvaise conception des normes juridiques, aux difficultés liées à son interprétation, à l’instabilité desdites normes ou encore à l’insécurité judiciaire.
2°/ Quels sont les secteurs d’activités concernés par le risque juridique ?
Le risque juridique concerne toutes les activités de l’entreprise. Il est susceptible d’affecter aussi bien l’échelon central que les structures décentralisées, y compris les partenariats de l’entreprise. Il englobe aussi bien le niveau stratégique que le niveau opérationnel. Les répercussions du risque juridique sont donc globales.
Il peut ainsi occasionner un préjudice matériel ou immatériel à l’entreprise. Il représente une menace sur l’image de l’entreprise, son patrimoine, les hommes et femmes qui la composent, la réalisation de ses objectifs ou même son environnement.
3°/ Quels sont les types de risques juridiques ?
Les risques liés à des questions d’ordre juridique peuvent avoir pour origine l’instabilité de l’environnement juridique, les actifs de l’entreprise, la propriété intellectuelle, les partenariats de l’entreprise, la conformité, etc. Nous pouvons dénombrer neuf types de risques juridiques, à savoir :
- le risque législatif et réglementaire : Il est dû à la prolifération des normes juridiques, à la diversité des foyers de production normative (national, international, régional, sous-régional, etc.) ou encore à la complexité desdites normes. C’est aussi la manifestation de l’insécurité juridique ;
- le risque contentieux : C’est le risque de déployer des frais et d’autres ressources pour la gestion d’une procédure contentieuse qui n’a pas pu être évitée ;
- le risque contractuel : C’est le risque lié à la formulation insuffisante ou agressive, selon les cas des clauses contractuelles qui lient l’entreprise à ses partenaires ;
- le risque organisationnel : C’est le risque inhérent aux processus juridiques de l’entreprise, en particulier lorsqu’ils sont insuffisants ;
- le risque pénal : C’est le risque associé aux actions pouvant être engagées à l’égard de l’entreprise, de ses collaborateurs ou de ses dirigeants ;
- le risque financier : Il peut être manifesté par des intérêts ou pénalités de retard ou des procédures de voies d’exécution (saisie des comptes de l’entreprise ou saisie des sommes détenues par l’entreprise à un moment donné pour ses partenaires contractuels) ;
- le risque judiciaire : C’est l’incertitude, l’instabilité ou parfois l’arbitraire des décisions des instances judiciaires ou d’ordre juridictionnel. C’est aussi la manifestation de l’insécurité judiciaire ;
- le risque fiscal : C’est un risque spécifique à la lisière du risque de non-conformité. C’est l’incidence potentielle néfaste des décisions de l’administration fiscale à l’égard de l’entreprise ;
- le risque de non-conformité (ou risque administratif) : C’est de façon générale le risque né du non-respect des obligations législatives ou réglementaires et concernant en principe l’application des normes techniques ou professionnelles, leurs conséquences se traduisant souvent par des sanctions administratives ou disciplinaires.
4°/ Les risques juridiques peuvent-ils découler d’autres risques ?
Il s’agit ici de mettre en exergue le fait qu’un autre risque produise des répercussions juridiques. Ce qui veut dire que le risque, à la base et dans sa source, n’est pas d’ordre juridique. Ce sont d’autres risques, lorsqu’ils se réalisent, qui entrainent des conséquences d’ordre juridique. Cette situation peut être illustrée à travers le risque d’intermédiation et le risque opérationnel.
Le risque d’intermédiation, tel que nous le concevons sur le plan assurantiel, est la défaillance ou la négligence d’un intermédiaire d’assurance ayant reçu mandat de la compagnie d’assurance et qui entraine sa responsabilité, une responsabilité du fait d’autrui. L’article 505 du Code CIMA va exactement dans ce sens.
Quant au risque opérationnel, il se définit généralement comme le risque de pertes, en raison de la défaillance ou de l’inadéquation d’événements externes des systèmes, des personnes, en rapport avec les procédures internes de l’entreprise. Il peut alors s’agir d’un cas d’application des exigences contenues dans le Manuel de procédures de l’entreprise qui l’expose à un risque contentieux et un risque judiciaire qui sont des risques juridiques.
5°/ Les risques juridiques peuvent-ils entraîner d’autres risques ?
Il s’agit ici de souligner la possibilité que la réalisation d’un risque juridique entraine des conséquences qui sont de nature à déclencher d’autres risques, en principe autonomes.
Nous pouvons illustrer cette situation avec une corrélation entre le risque juridique et le risque réputationnel :
- les sanctions disciplinaires qui peuvent être prononcées par les autorités de contrôle sont à la base une manifestation du risque juridique. Leur prononcé est susceptible d’entrainer un risque réputationnel ;
- les poursuites pénales exercées contre l’entreprise ou ses dirigeants relèvent du risque pénal qui est un risque juridique. Leur traduction en risque réputationnel n’est qu’un pas facile à franchir ;
- le blocage des comptes de l’entreprise à la suite de l’exécution forcée d’une mauvaise décision de justice découle de la manifestation de plusieurs risques juridiques. En fonction de la durée dudit blocage et du volume des sommes en jeu, le glissement vers le risque réputationnel peut être rapide.
6°/ Quelle est la démarche de gestion des risques juridiques ?
La démarche de gestion du risque juridique doit être à la fois stratégique et opérationnelle. C’est une démarche qui se construit pour durer aussi longtemps que dure l’entreprise.
On y retrouve en bonne place la veille juridique, entendu comme une veille spécialisée dans le domaine du droit, laquelle, dans son sens le plus courant, consiste au repérage permanent des différentes sources du droit qui régissent un secteur d’activités donné.
Elle comprend la veille doctrinale, la veille législative, la veille réglementaire et la veille jurisprudentielle.
La veille juridique répond à un besoin d’information juridique et fait partie intégrante du management juridique qui lui-même a pour matière première le risque juridique, lequel a deux manifestations essentielles :
- les transgressions volontaires ou involontaires des normes juridiques ou la non-conformité avec lesdites normes ;
- les changements ou modifications normatives y compris les évolutions et revirements jurisprudentiels.
On y dénombre aussi une série de mesures et d’actions, notamment :
- la nécessité d’instaurer une culture juridique ;
- la sélection des bons professionnels (les avocats, les experts-comptables) ;
- la sensibilisation et la formation des divers acteurs de l’entreprise aux risques juridiques ;
- mettre en place un dispositif de contrôle pertinent ;
- l’instauration des procédures d’alerte ;
- la nécessité d’avoir une bonne couverture assurantielle (notamment en matière de responsabilité civile) ;
- l’élaboration d’une cartographie des risques juridiques.
7°/ Quel est le cycle de gestion du risque juridique ?
Le cycle de gestion du risque juridique comprend cinq principaux axes, à savoir :
- la phase de diagnostic (finalisée par un document bilan) ;
- la phase de constats (accompagnée d’un plan d’amélioration) ;
- la phase d’élaboration et de diffusion du plan d’action(on doit y retrouver le timing, les responsabilités et les indicateurs clés connus en anglais par le sigle KRI ou « Key Risk Indicators ») ;
- la phase d’exécution du plan d’action ;
- la phase de suivi et de mise à jour du plan d’action.
Ce cycle est donc méthodique et permanent.
8°/ Quelles sont les ressources nécessaires à la gestion du risque juridique ?
Diverses ressources sont nécessaires pour la gestion des risques juridiques, à savoir :
- les ressources matérielles : Nous pouvons y retrouver les ouvrages, les articles spécialisés, les recueils de textes juridiques et les endroits où ces documents doivent être rangés. De nos jours, il existe des logiciels de gestion du risque juridique qui peuvent être classés par défaut parmi ces ressources.
- les ressources financières : C’est en résumé le budget qu’il faut réserver à la gestion de ce risque. Ces ressources sont étendues aux sommes dépensées par l’entreprise en relation avec la réalisation dudit risque.
- les ressources informationnelles : Elles sont notamment nécessaires pour la veille juridique. On peut citer entre autres l’abonnement à des revues électroniques spécialisées.
- les ressources humaines: Ce sont les personnes qui doivent intervenir dans la gestion de ce risque.
9°/ Quels sont les acteurs de la gestion du risque juridique ?
Pour la gestion du risque juridique, trois types d’acteurs sont identifiables :
- le manager central : C’est le responsable juridique. Il doit coordonner toutes les actions inhérentes au cycle de gestion du risque juridique. Dans certains cas, il remplit aussi la mission de Chief of Compliance (responsable de la conformité). La logique afférente à cette catégorie de ressource humaine est celle de pilotage.
- les acteurs internes : C’est l’ensemble formé par toutes les ressources humaines de l’entreprise. Cette chaine comprend les membres du conseil d’administration, les actionnaires, la direction générale et tout le personnel de l’entreprise. La logique liée à cette catégorie de ressource humaine est celle d’implication et d’appropriation, une dynamique participative pour la survie et la réalisation des performances de l’entreprise.
- les acteurs externes : Ce sont des prestataires assurantiels tels que les avocats et les experts-comptables. Ils sont les partenaires externes de l’entreprise. Ils obéissent à une logique d’externalisation et d’assistance.
CE QU’IL FAUT RETENIR :
1°/ Le risque juridique est généralement défini comme le risque de litige avec une contrepartie résultant notamment de toute imprécision, lacune ou insuffisance de nature quelconque, susceptible d’être imputé à une personne donnée au titre de ses opérations ou activités. C’est aussi tout aléa ou l’éventualité de tout événement que peut subir une entreprise du fait de la non-conformité avec des exigences d’ordre juridique, stables ou variables dans le temps.
2°/ Le risque juridique concerne toutes les activités de l’entreprise. Il peut ainsi occasionner un préjudice matériel ou immatériel à l’entreprise. Il représente une menace sur l’image de l’entreprise, son patrimoine, les hommes et femmes qui la composent, la réalisation de ses objectifs ou même son environnement.
3°/ Nous pouvons dénombrer neuf types de risques juridiques, à savoir : le risque législatif et réglementaire, le risque contentieux, le risque contractuel, le risque organisationnel, le risque pénal, le risque financier, le risque judiciaire, le risque fiscal et le risque de non-conformité (ou risque administratif).
4°/ Dans certains cas, le risque juridique peut découler d’autres risques. C’est notamment le cas du risque d’intermédiation et du risque opérationnel qui entraînent des risques juridiques.
5°/ Dans d’autres cas, le risque juridique peut entraîner d’autres risques. C’est l’exemple avec le risque administratif, le risque pénal ou le risque judiciaire qui peuvent déclencher d’autres risques.
6°/ La démarche de gestion du risque juridique doit être à la fois stratégique et opérationnelle. C’est une démarche qui se construit pour durer aussi longtemps que dure l’entreprise. La veille juridique fait partie de cette démarche ; la veille juridique est une veille spécialisée dans le domaine du droit, laquelle, dans son sens le plus courant, consiste au repérage permanent des différentes sources du droit qui régissent un secteur d’activités donné. Elle comprend la veille doctrinale, la veille législative, la veille réglementaire et la veille jurisprudentielle.
7°/ Le cycle de gestion du risque juridique comprend cinq principaux axes, à savoir : la phase de diagnostic (finalisée par un document bilan), la phase de constats (accompagnée d’un plan d’amélioration), la phase d’élaboration et de diffusion du plan d’action, la phase d’exécution du plan d’action et enfin la phase de suivi et de mise à jour du plan d’action.
8°/ Diverses ressources sont nécessaires pour la gestion des risques juridiques : les ressources matérielles, les ressources financières, les ressources informationnelles et les ressources humaines.
9°/Pour la gestion du risque juridique, trois types d’acteurs sont identifiables : le manager central (logique de pilotage), les acteurs internes (logique d’implication et d’appropriation) et les acteurs externes (logique d’externalisation et d’assistance).
Par OMBOLO MENOGA Pierre Emmanuel
N.B : Cette contribution intellectuelle a été précédemment publiée dans le blog de l’Association Lumière du Droit : www.lumiairedudroit.centerblog.net