LIBRES PROPOS SUR LA FAUTE DE GESTION ET LE DETOURNEMENT DANS LE CONTEXTE DU DROIT POSITIF CAMEROUNAIS

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SOMMAIRE :

INTRODUCTION

I. LES FRONTIERES PERCEPTIBLES ENTRE LA FAUTE DE GESTION ET LE DETOURNEMENT

    A- La situation de la faute de gestion dans les canons de la discipline financière

    1- Les manifestations de la faute de gestion

    2- Les critères perceptibles de la faute de gestion

    B- La situation du détournement dans le cadre infractionnel

    1- L’élément légal de l’infraction de détournement

    2- Les éléments matériels et intentionnels de l’infraction de détournement

    II. LES CONFUSIONS PROBABLES ENTRE LA FAUTE DE GESTION ET LE DETOURNEMENT

    A- Les confusions d’ordre conceptuel entre la faute de gestion et le détournement

      1- La dilution de la faute de gestion dans le détournement

      2- La dilution du détournement dans la faute de gestion

      B- Les confusions d’ordre procédural entre la faute de gestion et le détournement

      1- Une spécialisation en principe des organes

      2- La possibilité d’amalgame

      CONCLUSION

      INTRODUCTION

      Les vocables faute de gestion et détournement reviennent de plus en plus dans les débats aujourd’hui dans un contexte où les pouvoirs publics semblent vraiment résolus à donner une image à la fois proactive et réactive. Le recours à la faute de gestion comme au détournement constituent une réponse à ce qu’il est convenu d’appeler la malgouvernance financière voire patrimoniale tant décriée dans le contexte camerounais.

      Recourir à l’un ou l’autre vocable, c’est peut-être aussi aller en marge de l’inertie souvent décriée sans oublier la corruption dont la lutte est l’un des chevaux de bataille du Gouvernement camerounais. C’est aussi aller à l’encontre de la délinquance financière.

      Le contexte général dans lequel l’on recourt à la faute de gestion et au détournement est sensiblement le même. Mais le texte ne l’est pas. C’est-à-dire que ce n’est pas le même texte juridique qui envisage l’un ou l’autre fait.

      S’agissant de la faute de gestion, elle est essentiellement envisagée par la Loi N°74-18 du 05 Décembre 1974 relative au contrôle des ordonnateurs et gérants de crédits publics et des entreprises d’Etat. L’article 3 de cette loi prévoit entre autres que :

      « Est considéré comme irrégularité au sens de la présente loi toute faute de gestion préjudiciable aux intérêts de la puissance publique… »

      L’article 6 du même texte ajoute que :

      « Est considéré comme irrégularité au sens de la présente loi toute faute de gestion commise dans une entreprise d’Etat et préjudiciable à la puissance publique, ne ressortissant pas nécessairement de la compétence des tribunaux répressifs ou de commerce… »

      La loi de 1974 protège alors l’Etat, les collectivités publiques et les entreprises d’Etat des irrégularités qualifiées de faute de gestion. On soulignera au passage que la faute de gestion est perçue comme une irrégularité elle-même perceptible comme une anomalie, un désordre ou une déviation dans la manière d’administrer l’Etat, une collectivité publique ou une entreprise d’Etat.

      Le détournement aussi est une anomalie, une déviation, un désordre ou une irrégularité dans la manière d’administrer l’Etat, une collectivité publique ou une entreprise d’Etat. Il suffit pour cela de mettre au goût du jour le texte de l’article 184 alinéa 1er du code pénal d’ailleurs intitulé « Détournement » :

      « Quiconque par quelque moyen que ce soit obtient ou retient frauduleusement quelque bien que ce soit, mobilier ou immobilier, appartenant, destiné ou confié à l’Etat unifié, à une coopérative, collectivité ou établissement public ou soumis à la tutelle administrative de l’Etat ou dont l’Etat détient directement ou indirectement la majorité du capital, est puni… »

      Que l’on commette une faute de gestion ou que l’on détourne, le patrimoine des personnes morales de droit public ne se trouve plus sauf. C’est qu’à un moment ou à un autre, la fortune publique a été menacée ou risque de l’être. Mais doit-on se contenter de cela pour dire que la faute de gestion équivaut au détournement et vice versa.

      On peut par exemple se dire que la faute de gestion est l’apanage du Contrôle Supérieur de l’Etat (CONSUPE) et Contrôle de Discipline Budgétaire et Financière (CDBF), instance spécialement instituée pour connaître des irrégularités commises par les ordonnateurs, les gestionnaires des crédits publics, des entreprises publiques et parapubliques. Cette instance prononce des sanctions financières seulement à l’exclusion de toute sanction pénale. Dans ce dernier cas de figure, il faut qu’il y ait un détournement au sens indiqué par l’article 184 du code pénal.

      Sans remettre en question les éléments de cette distanciation, il nous semble opportun d’aller au-delà. Pour cela, nous allons nous demander quels sont les critères de différenciation entre la faute de gestion et le détournement. Ce qui nous permet de formuler l’interrogation suivante : Existe-t-il une frontière réelle entre le fait caractérisé de faute de gestion et celui perçu comme un détournement ?

      Notre intention est de contribuer à un débat qui est déjà né dans la rue, dans les bars ou à la barre. Nous mettrons en exergue les lignes de frontières entre ces deux faits (I) avant d’ouvrir le débat sur les confusions qui les rassemblent dans les textes (II). 

      1. LES FRONTIERES PERCEPTIBLES ENTRE LA FAUTE DE GESTION ET LE DETOURNEMENT

      Il y a des différences qu’il savoir percevoir. Celle qui existe entre la faute de gestion et le détournement est de celles-là. Nous dirons à ce titre comme beaucoup avant nous que le détournement est une infraction (B) alors que la faute de gestion est une irrégularité qui ne fait pas forcément partie du champ infractionnel (A).

      A- LA SITUATION DE LA FAUTE DE GESTION DANS LES CANONS DE LA DISCIPLINE FINANCIÈRE

        La faute de gestion se reconnaît dans le champ des sanctions financières. C’est une irrégularité commise, dans l’exercice de ses fonctions, par les ordonnateurs, les gestionnaires des crédits publics, des entreprises publiques et parapubliques. Il nous semble logique de présenter ses contours à un double niveau : celui de ses manifestations (1) et celui de sa définition (2).

        1- Les manifestations de la faute de gestion

          Les faits à regarder comme faute de gestion ressortissent principalement du texte de la Loi N°74-18 du 05 Décembre 1974 relative au contrôle des ordonnateurs et gérants de crédits publics et des entreprises d’Etat. Les articles 3 et 6 de cette loi citent un ensemble constitué d’une douzaine de faits. Certains sont des irrégularités préjudiciables aux intérêts de la puissance publique tandis que d’autres, préjudiciables tout autant à la puissance publique, sont dirigés contre les entreprises d’Etat.

          S’agissant de ceux qui sont préjudiciables à l’Etat et aux collectivités publiques, l’article 3 de la Loi N°74-18 du 05 Décembre 1974 relative au contrôle des ordonnateurs et gérants de crédits publics et des entreprises d’Etat retient :

          • L’engagement d’une dépense sans avoir qualité pour le faire ou sans avoir reçu délégation à cet effet ;
          • L’engagement d’une dépense sans crédit disponible ou délégué ;
          • L’engagement d’une dépense sans pièces justificatives suffisantes ;
          • L’engagement d’une dépense sans visa, autorisation ou réquisition préalable de l’autorité compétente ;
          • L’engagement d’une dépense ou certification des pièces sans justification de l’exécution des travaux, des prestations de biens ou de services ;
          • Le recrutement ou l’emploi effectif d’un agent sans intervention du contrôle budgétaire quand ce contrôle est prévu par les règlements. Le recrutement d’un agent en infraction à la réglementation du travail en vigueur ;
          • La modification irrégulière de l’affectation des crédits ;
          • Les appels à concurrence, les lettres de commande et les achats effectués en infraction à la réglementation sur la passation des marchés publics ;

          S’agissant des irrégularités commises contre les entreprises d’Etat, on retrouve dans le texte de l’article 6 de Loi N°74-18 du 05 Décembre 1974 relative au contrôle des ordonnateurs et gérants de crédits publics et des entreprises d’Etat :

          • La violation des statuts ou du règlement intérieur de la structure ;
          • Le dépassement des crédits arrêtés par l’organe statutaire compétent ;
          • L’engagement des dépenses non visées par cet organe ;
          • Le recrutement d’un agent en infraction à la réglementation en vigueur en matière de droit du travail ;
          • L’engagement délibéré de la structure dans les opérations manifestement ruineuses ou en disproportion avec ses moyens financiers ;
          • L’absence de comptabilité ou sa tenue irrégulière lorsqu’elle existe ;La passation de marchés sans appel à la concurrence ;
          • L’utilisation à des fins personnelles des agents ou des biens de la structure alors que ces avantages n’ont pas été légalement octroyés.

          C’est cet ensemble de faits que nous allons reprendre dans notre intention de présenter un critère de définition de la faute de gestion.

          2- Les critères perceptibles de la faute de gestion

            A bien regarder les manifestations de la faute de gestion dans la loi, on retrouve des constantes ou critères qui la démarquent certainement du détournement.

            D’abord, la faute de gestion n’est pas une infraction au sens où l’entend l’article 74 du code pénal. Au-delà des éléments matériels et intentionnels qu’elle peut parfois contenir, le législateur ne l’a pas envisagée comme un fait pénalement réprimé.

            Ensuite, la faute de gestion ne concerne pas que des biens directement (biens meubles et immeubles) puisqu’elle s’applique aux faits comme le recrutement des personnes ou encore à un engagement de dépense sans crédit disponible ou délégué.

            Enfin, l’on peut retenir que la faute de gestion se reconnaît dans un ensemble de règles de procédures financières ou ayant une telle influence. On peut alors dire qu’il s’agit de toute irrégularités commises par une personne chargée de gérer les intérêts de l’Etat ou les personnes morales dans lesquelles l’Etat a un intérêt pertinent, ces irrégularités étant essentiellement d’ordre procédurales, et pouvant être volontaires ou involontaires.

            Ce qu’il faut retenir, c’est que la faute de gestion s’insère essentiellement dans le cadre des règles de la discipline financière ou patrimoniale qui s’impose à toute personne physique qui a en charge la gestion des intérêts matériels, les ressources humaines rémunérées par une personne morale de droit public ou plus généralement les finances ou les décisions à incidence financière préjudiciables à ces personnes.

            Il y a donc au départ une faute qui peut être volontaire ou non. Cette faute a une incidence dans les finances des personnes morales de droit public visées par la loi. Mais surtout, cette faute rentre dans le non-respect de la discipline financière, budgétaire ou comptable qui découle de l’application des lois et règlement en vigueur.

            Commettre une faute de gestion ressemble au fait de poser des actes ou de prendre des décisions en marge d’un Manuel des procédures comptables, administrative et financière. Ce qui n’est pas forcément un détournement.

            B- LA SITUATION DU DÉTOURNEMENT DANS LE CADRE INFRACTIONNEL

            Nous rappelons que notre démonstration vise à faire du détournement un fait distinct de la faute de gestion.

            Poser un acte qualifié de détournement, c’est commettre une infraction qui repose sur un élément légal (1) et d’autres éléments (2).

            1- L’élément légal de l’infraction de détournement

            D’après l’article 17 du code pénal :

            « Les peines et mesures de sûreté sont fixées par la loi et ne sont prononcées qu’à raison des infractions légalement prévues »

            L’article 74 du même code ajoute dans son alinéa 1er que :

            « Aucune peine ne peut être prononcée qu’à l’encontre d’une personne pénalement responsable »

            Or le détournement remplit ces conditions. La première de celles-ci est l’élément légal. Le détournement est bel et bien un fait interdit par un texte de loi. C’est l’article 184 du code pénal dont l’alinéa 1er prévoit que :

            « Quiconque par quelque moyen que ce soit obtient ou retient frauduleusement quelque bien que ce soit, mobilier ou immobilier, appartenant, destiné ou confié à l’Etat unifié, à une coopérative, collectivité ou établissement public ou soumis à la tutelle administrative de l’Etat ou dont l’Etat détient directement ou indirectement la majorité du capital, est puni… »

            Ce texte peut être rapproché d’avec l’article 891 de l’Acte Uniforme OHADA relatif aux sociétés commerciales et groupement d’intérêt économique. Ce texte dispose que :

            « Encourent une sanction pénale le gérant de la société à responsabilité limitée, les administrateurs, le président directeur général, le directeur général, l’administrateur général ou l’administrateur général adjoint qui, de mauvaise foi, font des biens ou du crédit de la société, un usage qu’ils savaient contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles, matérielles ou morales, ou pour favoriser une autre personne morale dans laquelle ils étaient intéressés, directement ou indirectement »

            Un commentaire succinct de ce texte nous permet de dire que le législateur OHADA n’a pas entendu protéger la fortune publique, mais la fortune privée. Cette infraction d’abus des biens sociaux ou du crédit de la société ne s’impose pas dans la généralité comme le fait l’article 184 du code pénal qui parle de « quiconque ».

            Certaines personnes seulement peuvent être poursuivies au registre de cette infraction : ce sont celles qui dirigent les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés anonymes.

            Il semble crédible d’affirmer que l’infraction d’abus des biens sociaux et du crédit de la société s’efface lorsque le patrimoine en cause est celui de l’Etat ou d’une personne morale de droit public. C’est l’article 184 du code pénal qui sera applicable. Et l’on en recherchera les éléments matériels et intentionnels. 

            2- Les éléments matériels et intentionnels de l’infraction de détournement

            L’élément matériel apparaît dans l’article 74 alinéa 2 du code pénal comme étant un fait. C’est en d’autres termes l’acte posé alors qu’il était interdit. Quant à l’élément intentionnel, il y est perçu comme l’intention que les faits commis aient pour conséquence la réalisation de l’infraction. Il faut appliquer ces vues à l’infraction de détournement.

            L’élément matériel de l’infraction de détournement consiste à la rétention ou en la détention des biens mobiliers ou immobiliers. Il peut donc s’agir des meubles corporels ou de meubles incorporels. On songe dans cette dernière hypothèse à des droits de propriété intellectuelle. On songe, dans celle qui la précède aux ordinateurs et aux véhicules terrestres à moteur. Les biens immobiliers sont représentés par des terrains nus ou bâtis.

            Quant à l’élément intentionnel, l’article 184 alinéa 1er utilise l’adverbe « frauduleusement ». Ce qui renvoie à la mauvaise foi ou plus précisément à une intention délibérée. La personne poursuivie doit avoir voulu par la fraude s’emparer d’un bien meuble ou d’un bien immeuble. On peut penser qu’en l’absence de fraude, il n’y a pas de détournement. On ne saurait du crédit à un fait de détournement qui n’a pas été voulu.

            Il reste que les biens en cause appartiennent, sont destinés ou ont été confiés à l’Etat, à une coopérative, une collectivité publique, un établissement public ou toute structure soumise à la tutelle de l’Etat ou dont l’Etat détient directement ou indirectement la majorité du capital.

            A ce stade de l’analyse, le détournement et la faute de gestion apparaissent comme deux fleuves qui se touchent sans toutefois mélanger leurs eaux. Pourtant, il est possible de constater que ces fleuves de la protection de la fortune publique peuvent se confondre. C’est ce débat que nous allons ouvrir dans la seconde partie.

            II. LES CONFUSIONS PROBABLES ENTRE LA FAUTE DE GESTION ET LE DETOURNEMENT

            Que notre propos ne soit pas mal interprété. Nous disons simplement que les confusions entre le détournement et la faute de gestion sont probables. Elles ne sont pas certaines ou voulues. C’est d’ailleurs pour cela que notre contribution intellectuelle a été pensée et mise en œuvre.

            Nous mettrons à profit la séquence des confusions d’ordre conceptuel (A) avant celle qui sont procédural (B).

            A- Les confusions d’ordre conceptuel entre la faute de gestion et le détournement

              Nous proposons de constater que la faute de gestion peut se diluer dans le détournement (1) tout comme le détournement le peut dans la faute de gestion (2).

              1- La dilution de la faute de gestion dans le détournement

              La faute de gestion peut se dissoudre dans le détournement. A ce titre, ce qui pouvait ressortir au départ comme étant une faute de gestion peut prendre les traits du détournement.

              Nous allons relever trois exemples que la loi de 1974 cite comme étant des actes de faute de gestion mais qui nous semblent en réalité appartenir à la catégorie des actes de détournement :

              • L’engagement d’une dépense ou certification des pièces sans justification de l’exécution des travaux, des prestations des biens ou services ;
              • La modification irrégulière de l’affectation de crédits ;
              • L’utilisation à des fins personnelles de l’argent, des biens de l’Etat ou de toute structure appartenant à l’Etat ou qui est sous sa tutelle, ces avantages n’étant pas accordés par des lois et règlements en vigueur.

              On constate bien qu’il n’y a qu’un pas entre la faute disciplinaire et la fraude dont parle l’article 184 alinéa 1er du code pénal. Il suffit que la fraude soit caractérisée par rapport à ces faits pour que l’infraction de détournement soit constituée.

              Nous pensons qu’une fois que cet état des choses est acquis, la faute de gestion se perd dans le détournement et l’on peut abandonner la voie de discipline financière et comptable pour aller vers celle pénale. Le tribunal criminel spécial pourra toujours ouvrir les portes à la personne ainsi mise en cause.

              Mais, dans certains cas, le détournement peut aussi se diluer dans la faute de gestion.

              2- La dilution du détournement dans la faute de gestion

                Cette hypothèse peut paraître plus absurde que la précédente. Mais il suffit d’être attentif pour se rendre compte que nous ne forçons pas les traits de l’analyse.

                Commençons par rappeler que le détournement suppose une rétention ou une détention frauduleuse. Si cela est acquis, nous pouvons ajouter que la détention ou la rétention ne suffit pas. Ces actes doivent être sous-tendus par la fraude. Dès lors, les personnes chargées d’effectuer le contrôle peuvent toujours prétendre n’avoir pas détecté l’existence d’une fraude de la part des personnes mises en cause.

                C’est même ce qui semble justifier la séparation des fonctions des organes en charge du contrôle de la gestion de la fortune publique. Ainsi une utilisation des biens d’une entreprise publique peut-elle être qualifiée de simple faute de gestion parce que l’organe poursuivant est habilité à dire qu’il n’est pas de son ressort de rechercher si la fraude est caractérisée ou non.

                Mais ce même organe peut toujours apprécier a priori le non-respect d’une procédure comptable ou financière et dénoncer en fin de compte la fraude. Ce qui entraînera une solidarité des organes, voire leur complémentarité qui ne cache pas bien les confusions qui peuvent résister.

                B- Les confusions d’ordre procédural entre la faute de gestion et le détournement

                  Les confusions d’ordre procédural ne constituent pas un principe. La règle est bien celle de la séparation voire de la spécialité des organes (1). Cette règle cache pourtant des possibilités d’amalgames (2).

                  1- Une spécialisation en principe des organes

                    Le principe de la séparation des organes nous conduit à distinguer les procédures.

                    La faute de gestion relève de la discipline comptable et financière. L’institution de supérieure de contrôle des finances publiques au Cameroun est le CONSUPE. Il est dirigé par un Ministre délégué à la Présidence de la République. Il a entre autres missions :

                    •  Le contrôle de l’exécution du budget ;
                    •  Le contrôle de l’exécution des projets à financements extérieur ;
                    •  La vérification au niveau le plus élevé des services publics, des établissements publics, des collectivités territoriales décentralisées, des entreprises publiques et parapubliques, des structures bénéficiant d’un appui substantiel de l’Etat.

                    Son action est relayée par le CDBF qui a été organisé par le Décret N°97/049 du 05 mars 1997. Le CDBF statue par décision. Il peut être saisi par les autorités suivantes :

                    • Le Président de la République ;
                    • Le Premier Ministre ;Le ministre en charge du CONSUPE ;Les ministres chef hiérarchique ou autorité de tutelle des personnes mises en cause ;
                    • Les autres autorités prévues par les textes juridiques en vigueur au Cameroun.

                    Le CDBF est un organe semi-administratif et quasi-juridictionnel chargé de la sanction des responsabilités des ordonnateurs et des gestionnaires des crédits publics et des entreprises publiques.

                    Quant à la chambre des comptes de la Cour suprême, elle sanctionne les comptables du trésor, les comptables des domaines, les receveurs municipaux et les comptables-matières après avoir jugé de la conformité de leur compte aux lois et règlements en vigueur.

                    Les possibilités d’amalgames semblent donc être mises de côté.

                    2- La possibilité d’amalgame

                    La possibilité d’amalgame provient du fait que les sanctions administratives, financières et judiciaires peuvent être cumulées à l’issue du contrôle de la gestion des biens mobiliers ou immobiliers appartenant d’une manière ou d’une autre à une personne morale de droit public.

                    Cette possibilité est renforcée par le fait que le CDBF est habilité à prononcer des déchéances en application de l’article 14 de la loi de 1974. On peut citer entre autres l’interdiction d’assumer pendant un délai de cinq ans les fonctions d’ordonnateur, de gestionnaire de crédits ou de comptable dans un service, organisme public ou parapublic ou encore l’interdiction d’être responsable à quelque titre que ce soit pendant un délai de cinq ans à dix ans dans les structures semblables.

                    En outre, le CDBF peut prononcer des sanctions financières comme cela est normalement reconnu aux juridictions répressives.

                    Or, nous avons déjà souligné d’autres cas d’amalgames dans la liste des éléments constitutifs de faute de gestion. Ce qui fait que le CDBF peut engager des enquêtes conduisant à des sanctions là où il existe à la base un détournement. La maxime « Non bis in idem » se perdrait alors dans cet amalgame. Pourtant, il n’est pas juste de sanctionner un même fait deux fois quand bien même c’est la fortune publique qui est en cause.

                    CONCLUSION

                    En apparence, la faute de gestion et le détournement sont des fleuves qui se touchent sans toutefois mélanger leurs eaux. Or, comme tout le monde le sait, les apparences sont trompeuses. Si les frontières sont établies, les possibilités de confusion à la fois conceptuel et procédural existent qui font de la faute de gestion et du détournement deux faits que l’on observe souvent comme des jumeaux tout en insistant sur les dissemblances qui ne sont pas aussi parlantes que les ressemblances.

                    A notre avis, il faut avoir le courage d’ouvrir les débats et d’observer attentivement ce qu’il y a lieu de faire. Il y a par exemple lieu de s’assurer que c’est le pouvoir judiciaire qui juge et non un autre même en matière de gestion, même lorsqu’il s’agit des biens mobiliers et immobiliers appartenant aux personnes morales de droit public.

                    Nous souhaitons seulement que les avis contraires aux nôtres ne détournent pas la gestion des idées contenues dans la présente contribution intellectuelle de leur cours.

                    Par Pierre Emmanuel OMBOLO MENOGA

                    N.B : Cette contribution intellectuelle a été précédemment publiée dans le blog de l’Association Lumière du Droit : www.lumiairedudroit.centerblog.net. Aucune modification n’a été apportée à cette version initiale.

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